Page 5 - TEMOIGNAGES DES MEDECINS ET DES PRETRES
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parties qui servent à avaler. Dans cette extrémité voyant que les

remèdes étaient inutiles, nous ne lui fîmes plus donner que du
simple lait de vache pour toute nourriture, ce qui dura de la sorte
plus d’un an ; et toutefois d’une cuillerée qu’on lui versait dans la
bouche, à peine en pouvait-il passer une seule petite goutte, et
cette goutte même pour petite qu’elle fût, lui faisait faire de si
grands efforts, qu’il semblait en la prenant qu’elle dût rendre
l’esprit. Car les veines et les artères de la gorge, du front et des
temples en étaient bandées, le visage lui devenait tout en feu, elle
étendait les bras de toutes ses forces, se tenant à sa chaire, et se
pressait les pieds l’un coutre l’autre avec telle violence, que nous
ordonnâmes qu’on lui mît de petits oreillers entre eux, parce
qu’elle s’était toute écorchée les chevilles. Comme nous
admirions qu’elle pût vivre si longtemps avec si peu d’aliment,

nous apprîmes de la supérieure et des religieuses qui servaient la
malade, qu’enfin il avait fallu se résoudre à ne lui plus donner
aucune nourriture, et que durant quatre mois elle n’avait rien pris
que le très Saint Sacrement de l’Autel, lequel elle recevait tous
les jours sans aucune difficulté. Nonobstant cette privation de

nourriture corporelle, elle conserva toujours une couleur assez
vive, et son visage paru peu changé, quoique la fièvre ne la quittât
point. Ce sont les particularités certaines et indubitables, dont
nous avons pu nous ressouvenir, de ce qui s’est passé en sœur

Marguerite de Saint Sacrement, tandis que nous avons été
employés à traiter les malades du Monastère des Carmélites de
Beaune, ce qui a été jusqu’à l’année 1638, après quoi la charge en
a été donnée à un autre qui la méritait mieux. En général nous
pouvons assurer qu’elle avait une admirable patience, une
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