Page 37 - Vie de sœur Marguerite du Saint Sacrement, par le Père Amelotte
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jugement de celle-ci beaucoup de circonspection, même de
défiance.

   Mais il faut avouer que le doigt de Dieu paraît sur cette âme
avec une démonstration si évidente et si continuelle qu’elle a
dissipé toutes mes craintes.

   Lorsque l’innocence, l’humilité, l’obéissance, l’amour passionné
de la croix et le sacrifice perpétuel de soi-même aux supplices
pour les pécheurs se rencontrent avec une telle persévérance
dans un cœur, que jamais il ne se dément ; ce n’est point le
démon, c’est Jésus-Christ seul qui y règne.

   La délicatesse véritable sous une feinte pénitence, la
complaisance dans les dons de Dieu singuliers, la résistance aux
commandements, et quelque effet malin et scandaleux sont les
marques et les fruits de l’illusion. Mais une patience invincible, un
dégagement de toutes choses, une obéissance aveugle, des
torrents de larmes qui ont lavé tant de pécheurs, une odeur de
sainteté si grande et si autorisée du Ciel par des miracles devant
et après la mort, tant d’œuvres de lumière peuvent-elles compatir
avec le prince des ténèbres ?

   Les vertus de cette âme sont un fondement si solide qu’il ne
faut point s’étonner si le Fils de Dieu a bâti dessus un des plus
hauts édifices de sa grâce. Une innocence si parfaite est
proportionnée à ses plus familières communications, et il n’est pas
croyable qu’Il l’ait voulu si divinement préserver des impuretés de
la terre, sans la rendre très puissante pour obtenir le Salut des
pécheurs.

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