Page 86 - Vie de sœur Marguerite du Saint Sacrement, par le Père Amelotte
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Alors ils vinrent exciter en son corps des convulsions si
étranges qu’elles donnèrent de la frayeur à tous ceux qui la virent
en cet état. Ce fut en ce temps-là que Dieu, leur lâchant la bride,
ils conspirèrent contre elle avec toute leur rage, résolus
d’employer tous leurs artifices pour la faire mourir. Ils lui causèrent
un tel assoupissement durant dix ou douze jours que rien ne fut
capable de la réveiller. On eût cru quelquefois que c’eut été une
apoplexie, si elle n’eut toujours la respiration assez libre. Car
d’ailleurs toutes les facultés animales étaient percluses, quelque
douleur qu’on tâchait de lui faire sentir pour la réveiller, elle ne se
remuait pas. Tous ses membres demeuraient stupides et son
sommeil était encore plus pesant que celui des apoplectiques. Les
médecins usèrent de tous les remèdes pour lui faire revenir les
sens, on la frotta rudement par tout le corps, on lui appliqua
plusieurs fois des ventouses avec scarification, on lava ses
coupures avec du sel et du vinaigre, afin de contraindre à toute
force la nature à se réveiller. Pour peu qu’elle commençât à parler,
on lui fit répéter une même chose plus de cent fois sans qu’elle
parût jamais rebutée. Et ce qui surpasse tout étonnement, au
milieu de ses grandes violences, elle conserva un visage si doux
et si agréable qu’à la voir, il fut aisé à connaître qu’elle se
possédait parfaitement, et qu’ainsi, son mal n’était pas naturel,
comme il paraîtra davantage dans la suite de ce livre.

   En cet état, il lui survint un accident étrange : le malin esprit lui
causa une frayeur toute extraordinaire qui la fit lever en son séant
toute éperdue et fondant en larmes. Alors une des Sœurs, jugeant
qu’elle avait l’imagination travaillée, lui dit : « Ma Sœur, souvenez-

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