Page 88 - Vie de sœur Marguerite du Saint Sacrement, par le Père Amelotte
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S’il m’est permis de dire mes sentiments sur un sujet de cette
nature, je tiens que les démons ne firent que boucher les conduits
par où les esprits animaux coulent dans les nerfs, et qu’ainsi, le
corps étant dénué de ce premier instrument de l’âme, il demeura
engourdi et plus accablé d’un faux sommeil qu’il n’est dans
l’apoplexie même, où l’on voit encore un reste de mouvement et
de connaissance. Je crois aussi qu’ils entrouvraient quelquefois
les canaux et donnaient quelque liberté aux sens et à la parole,
afin d’éblouir les médecins par l’apparence d’une véritable
maladie, et de procurer cependant du travail à la fille par la
violence des remèdes.
Toutefois le démon qui avait couvert sa malice sous un long
silence, comme il est furieux et enragé, ne pût s’empêcher de faire
éclater sa rage. Déformé et de petit en apparence, il devint un lion,
comme parle Saint Georges, et s’efforça d’étrangler ouvertement
celle qu’il n’avait pu détruire par la suffocation et par la douleur
que lui causaient les remèdes. Dans sa fureur manifeste, il fit
paraître qu’encore qu’il se cache quelquefois, il ne change
néanmoins jamais de dessein de nous perdre, et que nul affront
n’est capable d’éteindre l’envie qu’il a contre nous. Mais ses
artifices nous servent à admirer Jésus-Christ qui enflamme
l’amour par les mêmes voies par lesquelles le diable prétend
l’étouffer.
Son envie se porta jusqu’à la mort de l’âme de notre Enfant,
mais il ne lui fut permis que d’assoupir ses sens dans l’obscurité
desquels le Fils de Dieu redoubla sa lumière intérieure. Si bien
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