Page 54 - Vie de sœur Marguerite du Saint Sacrement, par le Père Amelotte
P. 54

avec moi de ce qu’en nos jours Dieu a fait naître une fille si humble
et si portée à l’Oraison.

   C’était la coutume de passer une bonne partie de la nuit en cet
exercice. Aussitôt que les domestiques étaient retirés, elle se
levait doucement et se coulait en quelque coin dérobé. Elle
demeurait là quatre ou cinq heures à genoux, et très souvent
davantage, sans se soucier ni du sommeil ni du froid. Et quelque
temps qu’il fit, se tenait les pieds nus et sans autres habits que
ceux qui étaient nécessaires pour l’honnêteté. Sur le matin, elle se
remettait au lit afin de n’être point aperçue. Et ce qu’elle prenait de
repos était si peu que sans l’assistance de la grâce, il lui eut été
impossible de subsister.

   Ce qui me fait plus remarquer la plénitude de Dieu en elle est
que l’Enfer, qui la sentit d’abord par des commencements si
saints, employa inutilement toutes ses forces pour s’opposer à sa
piété naissante et jeta sans effet tout son venin pour la corrompre.
Dieu voulut, pour la confusion des démons, que toutes leurs
inventions fussent vaines, et ceux qui avaient pu susciter l’impiété
parmi les ordres Angéliques et porter la mort dans le Paradis
terrestre, furent surmontés par un enfant de cinq ans.

   Dès cet âge-là, ne pouvant la détourner de Dieu par des images
du monde parce que ses sens, préservés par la grâce, n’en
avaient reçu aucune impression, ni n’étaient point capables d’en
être charmés, tant le Divin Amour prévalait en elle. Ils tâchaient de
l’inquiéter pour toute autre sorte de malice. Tantôt ils élevaient des
nuages si épais de mélancolie en son corps, que son âme toute

                                           54
   49   50   51   52   53   54   55   56   57   58   59