Page 55 - Vie de sœur Marguerite du Saint Sacrement, par le Père Amelotte
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offusquée se remplissait de tristesse et d’amertume. Tantôt ils
liaient ses sens de telle sort de lorsqu’elle pensait faire oraison, il
lui était impossible de s’y appliquer, de sorte que, ne pouvant
dissiper ses ténèbres, il lui semblait que Dieu l’avait abandonnée.
Tant ils rendaient la liberté à ses sens, mais pour lui donner de
plus grands assauts pour toutes sortes d’objets effroyables, ils se
présentaient à ses yeux comme des monstres prêts à la dévorer,
ils lui faisaient entendre des cris et des hurlements épouvantables,
ils excitaient des puanteurs si horribles qu’elle en perdait presque
les forces. Et ces attaques étaient si fréquentes qu’elles ne
cessèrent que très peu durant l’espace de plusieurs années.

   Toutefois, parmi tant de tourments, l’âme invincible de cette
enfant ne manqua jamais de fidélité, et ces légions entières
d’esprits malins ne lui purent faire retrancher un moment de sa
prière et de ses veilles. Elle embrassait avec un courage et avec
une patience incroyable cet état pénible, et Dieu la soutenait si
admirablement que parmi tant de troubles étrangers, le fond de
son cœur demeurait en paix. La Vérité divine, dont elle avait une
haute connaissance, la tenait dans ce calme, et tous ses maux
étaient adoucis par la joie qu’elle avait de souffrir pour Jésus-
Christ, bien qu’Il se cachât au plus secret de son âme.

   Nous voyons ici une grande pureté et une grande ferveur
d’amour, un éloignement de la moindre délicatesse, une humilité
profonde et constante, un grand courage dans la tentation, une
longue patience parmi les plus sensibles douleurs, une singulière
fidélité dans les dégouts et dans les délaissements, une ferme foi

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