Page 59 - Vie de sœur Marguerite du Saint Sacrement, par le Père Amelotte
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Alors Jésus-Christ entrant en eux, comme dans ses images et
les animant, s’y mettait dans la même disposition où Il a été Lui-
même lorsque Sainte Madeleine lui lava et lui parfuma les pieds.
Car encore que par son esprit d’anéantissement de soi-même, il
aima beaucoup mieux laver ceux de Judas que de se laisser laver
les siens, toutefois la bonté qu’Il avait pour cette bienheureuse
amante Lui faisait céder par sagesse et par mystère à un honneur
que sans cela, Il n’eût pas pu souffrir.

   Ainsi, le plaisir qu’Il prenait à cet humble amour de notre petite
Lui faisait accepter dans le cœur des pauvres où Il s’était logé, un
service et un respect que l’humilité Lui eût fait refuser en sa propre
Personne. Donc, notre enfant ayant eu l’adresse de persuader
l’esprit de ces pauvres, elle les emmenait dans une chambre
écartée où, premièrement elle les faisait bien chauffer, puis
développer leurs bras et leurs jambes, les nettoyait avec sa langue
et, ce qui doit surprendre le lecteur, en avalait le pus. Cela lui est
arrivé tant de fois qu’il n’est pas possible d'en dire le nombre, car
elle passait en cet exercice deux ou trois heures et souvent des
jours entiers.

   Elle a témoigné à ses Supérieurs que quelquefois dans ces
actions, Jésus-Christ se rendait présent à son âme, qui y répandait
sa lumière et la fortifiait par un incroyable amour.

   Il lui semblait même qu’Il mettait avec elle la main à l’appareil
et, quand Il voyait que l’horreur qu’elle avait la faisait défaillir,
c’était alors qu’Il la soutenait plus puissamment et qu’Il remplissait

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