Page 61 - Vie de sœur Marguerite du Saint Sacrement, par le Père Amelotte
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Toutefois, ce n’était pas seulement la considération des
membres de Jésus-Christ qui lui faisait honorer les pauvres de
cette sorte, mais encore le désir de se mortifier elle-même. Car
elle domptait sa délicatesse en toute occasion et, bien qu’elle
aimât naturellement la propreté, néanmoins par une vertu rare et
inouïe en un âge si tendre, elle se faisait en ce sujet de grandes
et de continuelles violences.
Entrant dans l’Hôpital, où d’abord une certaine crainte la
saisissait, elle courait à ce qui lui donnait le plus d’horreur et ne
manquait pas de pratiquer quelque mortification remarquable.
Il est croyable même qu’elle eût continué à faire toute sa vie
cette horrible guerre à ses sens, si trois ou quatre mois après son
entrée en religion, la Maîtresse des Novices, qui s’aperçut de ces
forces de pénitences, ne lui eût défendu de les faire, et ce fut alors
qu’elle apprit de sa bouche toutes ces particularités qu’on ne peut
même écrire qu’avec une certaine peine
L’aversion que la nature nous donne pour des choses si dignes
d’horreur nous fait assez juger combien le courage de cette enfant
a été grand. Mais ce ne fut pas seulement pour nous faire
concevoir une haute estime de sa grâce et de sa vertu que Dieu
lui inspira de pratiquer ce qu’Il ne désire pas que tous imitent, ce
fut aussi pour nous apprendre que la grâce chrétienne ne porte
pas à la mortification les seuls pécheurs, mais encore les plus
innocents. Et que plus nous appartenons au Fils de Dieu, plus
nous devons travailler à mourir à notre propre chair. Ce fut pour
nous enseigner qu’un corps destiné à recevoir l’impression des
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