Page 64 - Vie de sœur Marguerite du Saint Sacrement, par le Père Amelotte
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le moindre repos. Aussitôt qu’elle se présentait à l’Oraison, il lui
apparaissait des spectres hideux qui lui faisaient éprouver de
cruels supplices : la multitude en augmentait d’heure en heure
avec des figures nouvelles et, ce qui était le plus dur à une âme
enflammée d’amour, les dégouts et l’obscurité dont ils la
remplissaient, montaient jusqu’au dernier point. Elle pouvait dire
avec le Prophète : Ils m’ont reçue comme un lion qui attend sa
proie au passage, et j’ai été environnée de taureaux mugissants
et de chiens furieux et enragés (Ps 16 et Ps 27).
Mais parmi ces gueules béantes, son âme demeurait aussi
saine que le corps de Daniel dans la fosse et celui des enfants
dans la fournaise. L’amour de la croix la rendait invincible, et son
cœur persuadé du bonheur qu’il y a de souffrir pour Jésus-Christ,
se reposait en cette joie et ne se laissait aller à aucune inquiétude.
Mais ce qui est plus admirable, c’est qu’elle fortifiait sa
confiance dans ces délaissements et, se conformant au Fils de
Dieu dans son agonie, plus elle paraissait abandonnée, plus elle
prolongeait son Oraison. Elle se retirait en des lieux écartés,
comme cet homme de douleurs et là invoquait son secours et celui
de la Sainte Vierge avec une confiance inébranlable. C’était un
spectacle digne du Ciel de voir cette enfant se prosterner en terre
durant quatre et cinq heures sans interruption, attendant quelque
rayon de lumière qui dissipât les ténèbres de l’Enfer, mais il fallait
boire ce calice et fouler longtemps ce pressoir.
Elle ne cessait de s’anéantir devant Dieu, se collant à la terre
comme David, ni ne se relâchait dans le combat, non plus que
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