Page 9 - Vie de sœur Marguerite du Saint Sacrement, par le Père Amelotte
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Mais quoique la Dévotion envers le Fils de Dieu Enfant et
envers toutes ses grâces, et la nécessité de l’obéissance, mettent
la conscience d’un auteur à couvert, elles n’autorisent pas pour
cela son ouvrage. La prudence et la vérité ne sont pas toujours
compagnes de la bonne intention, et il n’y a que trop de personnes
qui se trompent par l’ordre d’autrui. Tous ceux qui nous ont laissé
des écrits apocryphes n’ont pas été impies, et quoiqu’ils aient
manqué de science, ils n’ont pas toujours manqué de zèle.
Cependant, leur dévotion négligente et crédule, après les avoir
abusés eux-mêmes, en a jeté d’autres dans l’erreur, et il n’est rien
de plus commun que des faiblesses appuyées sur la simplicité des
âmes vertueuses.
Ce n’est donc pas de mon cœur, mais c’est de mon livre que
l’on demande la justification : les lecteurs laisseront volontiers le
jugement du premier à Dieu, pourvu qu’on leur donne les preuves
du second. Ils ne se contentent pas d’être bien édifiés, ils veulent
être convaincus qu’il n’y a rien de plus important à ceux qui
écrivent une histoire, que de ne pas l’exposer à la défiance. Je
serais d’autant plus coupable si je ne prévenais ce péril en autrui,
que j’en ai été averti par mes propres sentiments, et que j’ai
éprouvé moi-même les combats de l’incrédulité qui peuvent naître
en d’autres esprits, j’ai ajouté même à dessein à mes doutes
naturels tous ceux que je me suis pu figurer.
De sorte qu’il n’y a aucune merveille en ce Livre que je ne me
sois rendue extrêmement suspecte, soit par mon mouvement, soit
par mon étude. J’ai prévenu les raisons des uns et les railleries
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