Page 105 - Vie de sœur Marguerite du Saint Sacrement, par le Père Amelotte
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confiance de la fille dans un supplice si prudemment ordonné
quoique si inutile, lui demanda : « Que pensez-vous qui soit le plus
pesant, le trépan ou la couronne d’épines du Fils de Dieu ? » Elle
qui se possédait dans la patience (cf. Lc 21, 19) fit des réponses
si sérieuses et d’une si haute lumière que toute la compagnie fut
surprise d’entendre des vérités si profondes de la bouche d’une
enfant.
Elle dit que la moindre douleur du Fils de Dieu surpassait
infiniment les nôtres à cause de la dignité de sa Personne, que
ses sens étaient beaucoup plus vifs parce qu’Il était d’un
tempérament très exquis, qu’Il avait souffert innocent et que nous
étions tous coupables, qu’Il portait en chacun de ses tourments les
péchés de tous les hommes et qu’à peine nous appliquions-nous
à faire pénitence pour les nôtres. Qu’enfin il y avait une très grande
différence entre une couronne qui avait fait cent plaies dans son
adorable chef et que les bourreaux avaient appesantie plusieurs
fois en la frappant avec le roseau et entre deux coups de rasoir
qui avaient été donnés en un instant. Car pour le trépan, elle n’en
avait eu, disait-elle, aucune autre incommodité qu’un peu de bruit.
Mais si l’esprit qui concevait ces réponses était admirable en sa
lumière, il ne l’était pas moins dans la sainteté de ses dispositions
parmi les douleurs. Car elle mettait si parfaitement sa félicité dans
la croix que, bien loin de s’effrayer du feu et du trépan, elle était
plutôt dans la joie de son cœur lorsqu’il se présentait de ces belles
occasions de souffrir. Saint Etienne et Sainte Thècle, deux
flambeaux de son âme, lui inspiraient ce sentiment de bonheur, si
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