Page 98 - Vie de sœur Marguerite du Saint Sacrement, par le Père Amelotte
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qu’ils excitent dans les âmes dont ils sont les maîtres. Car ils n’ont
pas plutôt fait perdre le sentiment de Dieu à un pécheur, qu’ils
l’agitent par toute sorte de mouvements contraires à la raison et à
la nature.

   Enfin, ils ajoutèrent à la privation de l’usage des sens et à la
contraction des nerfs des rêveries et des extravagances, afin de
faire du moins un portrait du sens réprouvé, dans lequel ils
précipitent ceux qu’ils ont jetés dans les passions d’ignominie,
comme parle Saint Paul (Rm 1), qui sont proprement les fureurs
et les convulsions des réprouvés. Mais plus ils gravèrent sur
l’enceinte de ce jardin clos les marques de leur rage contre
l’homme, plus ils donnèrent de preuves de leur faiblesse et de leur
impuissance contre une âme qui leur résiste avec courage et
fermeté.

   Que si la malice des démons nous paraît extrême et si le corps
de cette sainte Enfant, qui leur fut abandonné comme celui de Job,
nous donne de la compassion, nous avons grand sujet d’admirer
la divine Bonté, et de nous réjouir en notre Seigneur, lorsque nous
considérons l’intérieur de cette Petite. Son esprit, comme le
peuple de Dieu, jouissait d’une parfaite lumière, tandis que ses
sens, comme une terre d’Egypte, étaient prisonniers dans les
ténèbres. Dans ce jour pur est serein, elle voyait les feux et les
flammes que ses ennemis jetaient, sans être troublée par aucune
crainte ni par aucune tristesse. Et bien que les convulsions qu’ils
lui donnaient fussent très sensibles, et les accès de son travail de
très longue durée, néanmoins elle n’en faisait aucune plainte, ni

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